Réponse à l’invitation de M.Denormandie

Objet : Réponse à l’invitation de M. Denormandie
Marseille, le 19 janvier 2019,

M. Denormandie,

Nous accusons bonne réception de votre invitation, transmise par le secrétariat de la Préfète Déléguée à l’Egalité des Chances, à vous rencontrer ce lundi 21 janvier en préfecture.
Le collectif du 5 novembre – Noailles en colère répondra favorablement à celle-ci mais tient toutefois à porter en amont de la réunion un certain nombre de sujets sur lesquels des réponses urgentes nous semblent nécessaires. En outre, nous souhaitons que deux personnes mandatées par l’Assemblée des délogé·es soient également présentes. Nous espérons obtenir de l’Etat et à travers votre expression, des réponses urgentes aux sujets suivants.

Tout d’abord, nous souhaitons vous alerter sur les conditions d’hébergement d’urgence des délogé·es depuis le 5 novembre. Si une partie de la prise en charge des occupant·es relève des obligations des propriétaires et, à défaut, des compétences de la municipalité, les conditions catastrophiques d’accueil et l’absence de distribution des compétences concernant notamment les propriétaires occupant·es nous obligent à interpeller l’Etat à ce sujet. Rappelons également que l’hébergement des personnes sans droits ni titre relève des compétences de l’Etat et que leurs droits doivent selon nous être égaux à ceux des autres occupant·es. A ce jour, la distribution de tickets RTM a été suspendue, la qualité des repas fournis par la Sodexo se dégrade, aucun suivi social, psychologique, sanitaire ou administrative n’est mis en place au plus près des hôtels par les pouvoirs publics (les associations, collectifs et bénévoles assurant seuls cette tâche), des personnes ont été mises à la rue (notamment un ancien occupant du 65 rue d’Aubagne) etc. . De nombreuses personnes se sont vues menacées d’une fin de prise en charge en cas de refus de changer d’hôtel de façon incessante, cela étant dû pourtant à un manque d’anticipation dans le paiement des nuitées. Les conditions de vie des personnes hébergées se dégradent à toute vitesse. Nous devons faire face à une véritable crise sociale qui concerne l’ensemble de la ville. Certaines personnes nous font part de situations de grande détresse sociale et psychologique, avec des volonté de faire des grèves de la faim. Nous avons interpellé à ce sujet et à maintes reprises les services de l’Etat qui devrait, selon nous, se déclarer compétent et interpeller à nouveau les médiateurs des assurances et des banques quant aux propriétaires occupant·es.

Le relogement des habitant·es nous semble être la question centrale. Personne ne peut se satisfaire en effet de solutions d’urgence. L’Etat est ici co-financeur et co-pilote les opérations de la MOUS Soliha. Si l’engagement des travailleurs sociaux n’est pas ici remis en cause, il nous semble que les moyens mis à leur disposition sont eux insuffisants. C’est pourquoi nous vous demandons à nouveau d’étudier au plus vite la possibilité d’une réquisition préfectorale des logements vacants tel que prévu par la loi (articles L 641-1 à L 641-14 du Code de la construction et de l’habitation) et par la jurisprudence (CE ass 11 juillet 1980 AJDA 1981 P216). La crise du logement invoquée nous semble criante dans notre ville : plus de 2000 délogé·es et ce chiffre croît de jour en jour, 15 000 personnes environ en liste d’attente de logement social, des centaines de personnes à la rue, 40000 logements indignes qui vont devoir être rénovés. Ces réquisitions permettraient alors de reloger dans des appartements temporaires et à moyen terme les personnes actuellement en hôtel ou qui seront évacuées ces prochains mois. Les services de la préfecture estiment à 59 le nombre d’immeubles réintégrables (20 minutes, 16/01/19). Les temporalités du relogement se posent donc dès lors en termes de mois voire d’années pour la grande majorité des occupant·es. Ces réquisitions permettraient d’éviter de faire peser sur le logement social ces opérations d’évacuations et d’anticiper sur celles à venir lors de la mise en place de l’audit de l’habitat ancien. A défaut, nous avons proposé à plusieurs reprises que soit mis en place un système d’intermédiation locative massif, négocié avec les propriétaires de logements vacants identifiés grâce au fichier des taxes d’habitation dont la Préfecture dispose. Il semble, d’après vos déclarations à la presse, que vous avez commencé à interpeller les propriétaires de logements vacants sur la Rue de la République. Si nous ne pouvons recevoir que positivement cette annonce, nous souhaitons avant tout disposer d’informations quant aux conditions de ces ré-occupations et leur nombre. Il s’agirait que cette opération ne soit pas seulement symbolique mais réponde aux objectifs que nous fixons lorsque nous portons les propositions d’intermédiation locative et de réquisition.

Cette question du relogement doit également pouvoir être encadrée afin d’assurer à tou·tes les occupant·es les mêmes droits. Un tel écrit, qui serait délibéré dans les assemblées des collectivités territoriales et ferait l’objet d’un décret ministériel, permettrait ainsi de clarifier l’ensemble de la chaine de commande des opérations. En effet, nombreuses sont les fois où promesses orales et actions sur le terrain divergent. C’est également pourquoi nous vous demandons qu’un procès-verbal de notre rencontre soit rédigé et diffusé publiquement. Nous vous transmettons ci-joint le document de travail de cette charte, sur laquelle nous souhaitons avoir des engagements de l’Etat et que soit mise en place une négociation impliquant l’ensemble des pouvoirs publics. Nous proposons afin d’assurer sa mise en œuvre qu’un cadre juridique soit posé (OIN par exemple), co-piloté par l’Etat, la Mairie, la Métropole et engageant le Conseil Départemental, le Conseil Régional et les bailleurs sociaux. Cette gouvernance intégrerait des représentant·es des citoyen·nes, condition sine qua none de la bonne mise en œuvre de cette charte.

Enfin, nous estimons que le lancement de l’audit de l’habitat ancien constituera la première des opérations de rénovation à venir. C’est pourquoi nous demandons qu’une véritable gouvernance institutions/citoyen·nes soit mise en place en amont, dans la continuité de celle des opérations de relogement. Nous réclamons fortement que ces rénovations ne concernent pas seulement le parc privé mais également le parc public qui est lui aussi fortement dégradé. Nous vous joignons à ce propos les 10 propositions que porte le Collectif du 5 novembre – Noailles en colère, même si celles-ci sont plus larges que la seule question de la rénovation de l’habitat.

En espérant des réponses positives de votre part sur tous ces sujets, Bien cordialement,

Le collectif du 5 novembre – Noailles en colère.

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