Compte Rendu Réunion avec M.Denormandie

Marseille, le 22 janvier 2019

Compte-rendu de la rencontre avec Julien Denormandie
Un Etat sans stratégie dans une ville en crise

Suite à la visite du ministre du logement, M. Julien Denormandie, et plus particulièrement à la rencontre de lundi soir avec les associations et collectifs concernés par le drame du 5 novembre, le Collectif du 5 novembre – Noailles en colère tient à réagir à certaines des annonces qui ont été faites.

75 réoccupations d’appartement rue de la République ont été annoncées. Nous nous félicitons que la mobilisation citoyenne, la dénonciation de l’état de vacance de centaines de logements dans cette rue, l’interpellation incessante des pouvoirs publics sur cette question, aient permis que ces appartements aient été réoccupés.
L’État admet ainsi par ce symbole qu’il n’est pas acceptable que tant de logements restent inoccupés, dévoilant ainsi l’absurdité de la rénovation de la rue de la République. Toutefois, certaines clarifications doivent être faite : il ne s’agit ici aucunement de réquisition et les appartement reloués sont essentiellement des studettes et des T2 initialement prévus pour des étudiant·es.
Si l’intermédiation locative mise en place va permettre de libérer des logements pour certains foyers, nous sommes encore très loin du compte.
Le Ministre, lors de la réunion de lundi soir, a ainsi été très clair : aucune action ou stratégie n’est prévue par l’Etat pour permettre un système d’intermédiation locative massif et les interventions se feront pas à pas, au fil des propositions reçues. Plus encore, le Ministre a répété à deux reprises qu’il attendait de notre part que nous lui indiquions des noms de propriétaires*. En lieu et place d’un Etat qui reprend la main sur la situation de crise sociale que nous connaissons, nous avons ainsi eu à faire à un Etat attentiste. Pourtant, les services de la Préfecture nous ont déjà indiqué disposer de la liste exhaustive des logements vacants, basée sur le fichier des taxes d’habitation.
Le parc de logement social va continuer à être mobilisé au détriment des personnes en file d’attente depuis de nombreuses années, ce qui semble pour nous absolument inacceptable. L’État et les collectivités choisissent ainsi de faire peser délibérément sur le reste des habitant·es les conséquences de l’incurie politique et du mal-logement organisé.
Le Ministre a souligné tout de même que les logements devaient être adaptés aux besoins des occupant·es, engagement qui fait actuellement l’objet de discussions avec la Mairie et la Préfecture. Pourtant, dans le même temps, le Ministre souligne que les mêmes occupant·es ne pourront être relogé·es dans leurs secteurs d’habitation d’origine, « car il n’y a pas de logements sociaux disponibles dans le centre- ville ».
Des solutions existent pour constituer un stock de logements disponibles suffisant à court et moyen terme, notamment en vue des centaines d’évacuations d’ores et déjà prévue dans le cadre de la rénovation de l’habitat ancien prévue. Il est indispensable que l’État et les collectivités territoriales prennent au sérieux nos propositions de réquisition et développent une stratégie pour la protection des occupant·es. Si ces réoccupations de logement rue de la République sont donc une bonne nouvelle, notamment symboliquement, elles masquent bien mal l’absence de volonté politique réelle de la part de l’État et des collectivités pour se montrer à la hauteur des enjeux.
Nous n’avons lors de cette rencontre obtenu aucun engagement quant à la mise en place d’une charte de relogement. Comme seule réponse, le ministre nous a affirmé qu’aucun cadre juridique n’était nécessaire. Pourtant, les personnes sans droits ni titre et les propriétaires occupant·es sont actuellement sans droits et prise en charge suffisante. Les moyens exceptionnels et droits nouveaux à créer nécessitent également un cadre juridique exceptionnel.
Enfin, nous savons que les opérations d’évacuations actuelles seront la pierre angulaire d’opérations de rénovation qui transformerons la ville de demain, rendant en cela indispensable qu’un cadre juridique coconstruit avec les citoyen·nes soit mis en place.

La question de l’accueil d’urgence a elle aussi été évacuée par des réponses très évasives du Ministre. Là où la Mairie de Marseille se montre de plus en plus incompétente au bout de près de 3 mois sans accompagnement réel, social et psychologique au plus près des hôtels, l’Etat interpellé au titre de ses compétences en matière sanitaire choisit de botter en touche en nous renvoyant vers le cahier des charges du futur opérateur en charge la rue Beauvau. Depuis la réunion en préfecture du 26 décembre, nous demandons pourtant à disposer du cahier des charges et de données quant aux moyens mis à disposition, sans obtenir de réponse. Cette réponse évasive, hors-sol par rapport à l’urgence et aux situations de panique et de détresse des délogé·es auxquelles nous sommes confronté·es, ne peut que nous inquiéter.
Nous attendons également un retour des discussions que M.Denormandie devait avoir avec Mme Vassal et M.Gaudin quant aux hébergements d’urgence et à la réquisition de nouveaux appart-hôtels, en nombre pour l’heure clairement insuffisants.

Enfin, la question plus globale de la rénovation de l’habitat indigne à Marseille est elle aussi totalement sous-évaluée et mal anticipée. Là où la Fondation Abbé Pierre demande qu’un programme de rénovation de 4000 logements par an soit mis en place, préfigurant ainsi un programme pour la résorption de l’habitat indigne en 10 ans, les moyens alloués semblent un signal positif (bien que déjà annoncés au mois de novembre) mais sont encore insuffisant pour se fixer cet objectif.
La gouvernance de ces opérations est également très problématique. En effet, nous ne pouvons nous satisfaire de déclarations d’intention sur « l’identité populaire de Marseille » à conserver. Il ne s’agit pas ici de flatter un imaginaire mais bel et bien de permettre le maintien des classes populaires dans le centre-ville.
Des mesures concrètes peuvent être prises, notamment en intervenant sur le PLUI en cours de concertations et qui se fixe des objectifs contraires aux nôtres sur la création de logements sociaux. Il est nécessaire que les exemples d’Euromed et de la Soleam soient définitivement considérés comme des erreurs et qu’une co-gouvernance avec les citoyen·nes soit imaginée. Sans cela, il sera pour nous inenvisageable de donner un quelconque blanc-seing à des pouvoirs publics qui pourraient ne faire que répéter une nouvelle fois les erreurs du passé.

* à ce sujet, nous redirigeons le Ministère vers leboncoin.fr

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