À : Mme Rubirola, Maire de Marseille
Copie à:
M. Amico, adjoint à la Maire de Marseille en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne
M. Challande, adjoint à la Maire de Marseille en charge de la démocratie locale, de la relation avec les CIQ et de la lutte contre les discriminations
Mme Chaboche, adjointe à la Maire de Marseille en charge de l’urbanisme et du développement harmonieux de la ville
M. Hugon, conseiller municipal en charge de la transparence et de l’open data municipal
et à:
M. Mirmand, préfet des Bouches-du-Rhône, en sa qualité de «garant» de l’application de la Charte du relogement
Mme Dujardin, directrice de la Direction de la Prevention et de la Gestion des Risques de la Ville de Marseille
[Ici la version PDF de la lettre]
Mme la Maire de Marseille,
Nous vous écrivons suite à vos annonces du mercredi 28 octobre, lors du vernissage de l’exposition «Indigne Toit» auquel nous étions présent·es.
Après deux ans de revendications et de mobilisations, nous nous félicitons que certaines des mesures clefs que nous avons portées puissent être mises en œuvre. Cette victoire citoyenne va dans le bon sens et, nous l’espérons, en appelle d’autres.
En actant une date au prochain comité de suivi de la Charte du Relogement et en proposant une «Convention Permanente pour le Logement», vous proposez une nouvelle forme de dialogue à laquelle nous répondons positivement. Le travail de production de la Charte du Relogement par les personnes concernées elles-mêmes et les associations et collectifs solidaires représente selon nous un modèle qu’il faudra désormais décliner dans de futurs projets, comme le prévoit l’article V.6. de la dite ladite Charte en ce qui concerne l’avenir urbain de notre ville. Nous avons par ailleurs écrit à votre adjoint à la démocratie locale, M. Challande, à ce sujet.
La stratégie re-location/possibilité de réquisition que vous avez annoncée le 28 octobre était celle que nous défendions depuis décembre 2018. Nous souhaitons que cette stratégie, ainsi que les mesures définies au point V.3. de la Charte du Relogement (cf. annexe à ce courrier) soient enfin mises en œuvre pour étendre le parc de relogement disponible. Il s’agit là d’une urgence, puisque depuis bientôt un an nous observons que SOLIHA est à saturation du parc de relogement, créant un «effet bouchon» pour les personnes délogées.
Nous avons également interpellé vos services et votre adjoint au logement quant à un certain nombre d’alertes qui requièrent des mesures urgentes.
Si des règles plus précises et favorables aux occupant·es pourront être mises à discussion au prochain comité de suivi de la Charte du Relogement, il est nécessaire que des mesures soient prises dans l’immédiat afin que la Charte du Relogement soit tout simplement respectée:
• Nous continuons de constater que bon nombre de réintégrations d’immeubles sur lesquels une mainlevée du péril a été prononcée se déroulent toujours dans des conditions catastrophiques. Les problèmes d’hygiène et de salubrité – qu’ils soient anciens ou nouveaux – sont légions. Sur ce sujet, la Mairie a le pouvoir et l’obligation de retarder la réintégration des logements concernés (art. III.2.2. et III.2.3. de la Charte du Relogement). Dans le cas contraire, elle prend la responsabilité de forcer les personnes à ré-occuper des logements dangereux, indécents et, dans certains cas, insalubres. Nous avons dernièrement alerté sur le cas du 11 rue Kleber, sans réponse à ce jour (courriel du 12 octobre dernier).
• Plusieurs propriétaires occupant·es nous ont également alerté·es sur des modifications portant sur le calcul du taux d’effort permettant leur prises en charge tel que prévu à l’article IV.1. de la Charte du relogement. Ces occupant·es se retrouvent désormais sans solution, alors même que cette mesure était l’une des victoires cruciales obtenues par les associations, collectifs et personnes délogées. Nous sommes indigné·es qu’une telle décision, en infraction flagrante au texte et à la pratique actée sous l’ancienne municipalité, ait été prise, de surcroit sans aucune consultation préalable. Comme nous le demandions dans notre courrier d’alerte en date du 27 octobre dernier, nous vous demandons de revenir au plus vite sur cette décision.
• Vous avez annoncé dans votre discours du 28 octobre que le principe «d’inconditionnalité» devait être respecté. Nous y sommes également extrêmement attaché·es et vous alertons à nouveau sur des situations précises et exemplaires:
* Sur les cas du 36 rue Curiol ou du bd Dahdah, le droit, la jurisprudence et la Charte prévoient une égalité de traitement pour ces occupant·es de bonne foi (art. IV.2.). L’ancienne municipalité avait refusé l’égalité de traitement dans ces deux cas. Au 36 rue Curiol, une prise en charge hors du cadre réglementaire avait été mise en place par l’ancienne majorité pour protéger Marseille Habitat mais celle-ci est remise en cause depuis cet été. Grâce à la mobilisation des personnes délogées du bd Dahdah, l’Etat avait tranché en assurant leur prise en charge. Nous attendons désormais à ce que l’égalité de traitement soit également assumée par la Mairie et étendue à l’ensemble des occupant·es de bonne foi. L’article V.3.2. de la Charte prévoit par ailleurs une possibilité de portage du bail par un opérateur intermédiaire afin de leur permettre l’accès à un logement, une mesure dont nous attendons la mise en œuvre. Malgré cela, leurs situations restent extrêmement précaires et la menace d’une fin de prise en charge continue de peser sur eux et elles et ils et elles sont encore dans l’attente des réponses de votre municipalité.
* Nous avons également accompagné cet été les occupant·es du 59 avenue St Just dont la situation est différente mais tout autant préoccupante. Nous avons interpellé vos adjoint·es et avons été reçu·es à ce sujet pendant l’été. A ce jour, nous n’avons obtenu aucune solution malgré les annonces faites et la situation des personnes reste des plus précaires. Nous attendons de votre part un soutien pour que l’Etat respecte son obligation de relogement, notamment en actant la prise en charge des occupant·es au titre du péril par le guichet unique de la rue Beauvau.
• Enfin, de nombreux habitant·es de la rue d’Aubagne ont interpellé votre équipe lors de la réunion en Mairie du 23 octobre concernant l’accès aux expertises et aux dossiers qui les concernent. Si ce droit a été confirmé à maintes reprises par la CADA et consacré dans l’article II.2.3. de la Charte du Relogement, les réponses obtenues ce jour-là n’ont clairement pas été satisfaisante. Nous vous alertons donc sur ce recul sur les droits des occupant·es, rue d’Aubagne ou ailleurs.
Notamment parce que nous vous les avons listées, vous connaissez ces mesures urgentes. Notre expertise de terrain et d’usage nous permet de vous les exposer comme nous vous avons exposé nombre de cas concrets. Nous serons en mesure de vous en exposer d’autres.
Dès lors, nous souhaitons qu’avant même le prochain comité de suivi, des réponses à ces alertes puissent être obtenues.
Nous sommes à votre disposition pour vous rencontrer, ainsi que vos adjoint·es, les opérateurs et services techniques compétents.
Nous accueillons très positivement vos annonces du 28 octobre mais sommes également dans l’attente de réponses très concrètes sur ces infractions à la Charte du relogement ainsi qu’aux 5 mesures d’urgences que nous vous avions transmises le 20 juillet dernier.
A l’approche des commémoration des deux ans du drame du 5 novembre, nous vous savons très attachée à cette «grande cause municipale» qu’est le logement digne. Sachez que nous continuerons à être également très mobilisé·es sur ce front, en espérant que nos rapports seront fructueux pour le bien de chacune des personnes concernées par le mal-logement à Marseille et ailleurs.
Veuillez recevoir, Madame la Maire, nos salutations les plus respectueuses.
Le Collectif du 5 novembre – Noailles en colère.
Cf notre bilan et nos alertes sur le plateau de France 3:
Annexe : extraits de la Charte du Relogement cités (https://charte.collectif5novembre.org)
II.2.3 Accès aux arrêtés, expertises, rapports de travaux et mains levées
En application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et la loi du 12 avril 2000 (code de justice administrative), il est rappele que l’ensemble des documents relatifs a la prise d’un arrete (de police generale ou speciale), doit etre communicable aux interesses en vertu du principe d’unite du dossier, des lors que ceux-ci servent de fondement a une decision administrative (Conseil 20160662 Seance du 31/03/2016).
Les conclusions des expertises, audits et rapports de travaux diligentes par l’autorite publique, par les proprietaires et syndics (y compris ceux diligentes par les tribunaux administratifs) seront communiquees aux personnes interessees (notamment les locataires ou occupants), sur simple demande et rendues publiques si d’interet general.
La Ville de Marseille s’engage donc a centraliser et a fournir toutes les informations utiles aux personnes evacuees leur permettant de suivre l’evolution de leur situation, via le guichet unique dedie.
Les arretes et mains levees de chaque immeuble continueront d’etre actualises sur le site de la Ville de Marseille.
III.2. La main levée des arrêtés avec évacuation et l’information des occupants III.2.1 Généralités Des lors que le proprietaire a realise les travaux attestes de parfait achevement par un homme de l’art (architecte, entreprises agreees, bureau d’etudes…), le proprietaire doit en informer l’autorite de police (le Maire) qui procede aux verifications par une visite systematique du service competent et prend un arrete de main levee autorisant pour tout ou partie la reintegration des locaux par les occupants. Cet acte leve les contraintes qui pesent sur le proprietaire lie aux loyers et relogement.
L’hebergement temporaire ou la prise en charge de l’hotel doit pouvoir etre maintenu 10 jours (sauf demande de l’occupant) apres les mains levees d’evacuation, d’insalubrite ou de peril afin de permettre la bonne organisation de la reintegration.
Le service competent devra egalement s’assurer de la remise en service des reseaux et de leur operationnalite.
III.2.2 La vérification de la situation de salubrité du logement après mainlevée de l’arrêté de péril
Apres chaque mainlevee de peril par le service competent, la mairie diligente un homme de l’art sous 3 jours afin de realiser un diagnostic pour s’assurer de l’etat des parties privatives de l’immeuble, apres avoir obtenu les autorisations et en presence des habitants et/ou proprietaires des logements.
La personne diligentee produit un rapport mettant en avant les infractions au Reglement Sanitaire Departemental des Bouches du Rhone (RSD).
Differents cas peuvent se presenter :
Occupant allocataire CAF : tout logement faisant l’objet d’une infraction au RSD et par la meme au decret decence 2002-120 du 30 janvier 2002, occupe par un locataire allocataire de la CAF, sera signale et pris en charge par celle-ci dans le cadre de la Commission Technique Pour le Logement Decent (CTPLD) ; Occupant non-allocataire CAF : tout logement faisant l’objet d’une infraction au RSD et par la meme au decret decence 2002-120 du 30 janvier 2002, occupe par un locataire non-allocataire de la CAF, fait l’objet d’une mise en demeure du proprietaire par la Mairie pour infraction au RSD.
Un suivi sera realise par le service competent sans que le locataire ait besoin lui-meme de signaler la realisation des travaux. Toute realisation de travaux ne rentrant pas dans le cadre de la CTPLD fait l’objet d’une visite de controle systematique des services de la Mairie dans le logement. Tout logement presentant des infractions au RSD de nature a engager une procedure d’insalubrite, fait l’objet sans delai du lancement de ladite procedure.
III.2.3 Les conditions d’hébergement des habitants dont le logement est en infraction avec le RSD
Les habitants dont l’immeuble aura fait l’objet d’une levee de peril restent dans leur lieu d’hebergement le temps de realisation et de communication du diagnostic de leur logement aux locataires et aux proprietaires.
Une fois le diagnostic realise et communique aux proprietaires et locataires concernes, les habitants dont le logement ne presente pas de suspicion d’insalubrite sont invites a regagner leur logement.
Les habitants dont le logement presente une suspicion d’insalubrite constatee par les services competents peuvent a leur demande rester dans leur lieu d’hebergement jusqu’a complete realisation des travaux, et ce dans un souci de prevention de leur sante. Le locataire ne peut s’opposer a la realisation des travaux preconises pour resoudre les infractions au RSD.
IV.1 Les propriétaires occupants
Ils ne sont pas heberges par la commune dans tous les cas de perils ou d’insalubrite, mais une tolerance est consentie a la charge de la commune pour les perils graves et imminents et l’insalubrite irremediable si le proprietaire concerne est de bonne foi et ne parvient pas a trouver d’hebergement d’urgence par ses propres moyens.
Ainsi, les proprietaires occupants dont le taux d’effort (credit en cours + hebergement + charges diverses) au moment de l’evacuation depasse les 30% seront pris en charge au meme titre que les locataires par les operateurs de l’EAPE.
Les proprietaires occupants evacues par un arrete de police generale, par mesure de precaution a la suite du peril d’un immeuble adjacent ne sont pas tenus pour responsables de leur evacuation. A ce titre, la Mairie et l’Etat prennent en charge leur accompagnement, hebergement et relogement temporaire ou definitif dans les memes conditions que les autres personnes evacuees concernees par cette charte et se retournent ensuite vers les responsables pour recouvrement des frais.
Afin d’eviter des charges supplementaires (cumul nouveau loyer et credits en cours) aux proprietaires occupants lors d’impossibilite de negociation avec les banques et assurances, l’Etat se rapprochera des banques et assurances afin de proposer une suspension des credits en cours.
En vue de mettre en œuvre ces dispositions la Ville pourra solliciter des credits FARU.
IV.2. Les occupants de bonne foi
La loi ne faisant pas de distinction de situation administrative ou d’occupation (cf. Cour d’appel de Paris (CA : 16.12.10), TGI (TGI : 26.5.08) et cour de cassation (Cass. civ. III : 12.9.12), tous les occupants de bonne foi sont pris en charge par les dispositifs mis en place dans cette charte, si leurs bailleurs sont defaillants, apres avoir justifie de leur bonne foi : contrat de location, bail, temoignages de voisins, quittances de loyer ou de domiciliation a l’adresse du bien evacue, ou releves bancaires attestant de versement de loyers. La commune se chargera du recouvrement des sommes dues par le proprietaire.
La situation individuelle de l’ensemble des personnes fera l’objet d’un examen specifique notamment par les services de l’Etat.
CCH, L.521-1 : « Pour l’application du present chapitre, l’occupant est le titulaire d’un droit reel conferant l’usage, le locataire, le sous-locataire ou l’occupant de bonne foi des locaux a usage d’habitation et de locaux d’hebergement constituant son habitation principale…».
V.3 Mobilisation du parc privé et social dans le cadre des hébergements et relogements V.3.1 Mobilisation du parc privé Mise en place d’une strategie avec objectifs et bilans quantifies vus en comites de suivi pour mobiliser le parc prive :
Mobilisation du parc de logements vacants ; Developpement de l’offre d’intermediation locative ; Bail a rehabilitation et mise en location de logements conventionnes via les aides ANAH aux proprietaires bailleurs ; Mobilisation de parc de logement prive conventionne.
V.3.2 Mobilisation du parc social
Les contingents reservataires de la Ville et de l’Etat sont aujourd’hui mobilises pour reloger les personnes evacuees. Pour l’Etat, la mobilisation se fait dans le cadre du DALO et pour la Ville dans le cadre de son obligation de consacrer 25% de son contingent au public prioritaire.
Pour les publics n’ayant pas acces au logement social, le portage du bail pourra etre realise par un operateur, via un dispositif adapte, en vue d’un relogement definitif, sous condition de ressources.
La puissance publique definit des objectifs quantifies et planifies pour mettre a disposition autant de nouveaux logements (IML, hebergement d’urgence, parc social, parc conventionne…) que de logements mobilises dans le cadre de la prise en charge des personnes evacuees.