Et maintenant? Bilan des 5 mesures proposées par le C5N pour sortir du péril

Le 20 juillet dernier, nous avions publié nos mesures d’urgence pour sortir Marseille du péril dans Libération, alors qu’une nouvelle mairie, une nouvelle métropole et une nouvelle ministre s’installaient. Trois mois plus tard et alors que les évacuations continuent (environ 5000 personnes désormais), nous faisons le point chaque jour sur l’une de ces cinq mesures: https://collectif5novembre.org/5-mesures-durgence-pour…/

Mesure 1/5 : Retrouver nos logements dans un état digne 

 C’est l’un des problèmes les plus récurrents. Après de longs mois d’attente, lorsque les personnes retrouvent leurs logements, celui-ci est souvent dans un état désastreux : travaux de propreté après travaux non réalisés, problèmes d’hygiène et/ou de salubrité qui se sont aggravés ou installés, opacité sur ce qui a été réalisé ou non … certains propriétaires continuent dans l’indignité jusqu’au dernier moment (mais pas tou·tes, heureusement!).

 Comme depuis le début de la #CriseDesPérils, il faut encore qu’occupant·es et collectifs se battent au cas par cas pour que la #CharteDuRelogement soit appliquée et que TOUS les logements soient inspectés avant la réintégration dans le logement. Pour rappel, la #CharteDuRelogement prévoit que dès qu’une infraction au Règlement Sanitaire Départemental est repérée, l’hébergement des occupant·es soit prolongé le temps que le problème soit résolu. Dernièrement, nous avons alerté la Mairie sur des situations très graves, malheureusement sans réponse. La solution ? Renforcer les moyens des opérateurs, inscrire clairement cette mission dans leur cahier des charges et contraindre les propriétaires défaillant·es. 

Bilan: nous attendons que la renégociation du cahier des charges des opérateurs, prévue prochainement, permette de résoudre ce problème.  L’Etat et la Mairie ont acté que celui-ci serait renégocié avec les collectifs et associations mais à l’approche de la fin de l’actuelle convention, peu d’informations nous parviennent et des situations rencontrées récemment sont très graves.

Second point, sur lequel nous n’avons pour le moment pas de réponse: l’accès complet aux expertises. Comme le rappelle la #CharteDuRelogement, l’ensemble des occupant·es ont accès à l’ensemble des documents qui les concernent. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est la CADA et la jurisprudence. La Charte prévoit également que la Mairie s’engage à centraliser et faciliter cet accès. Sur ce dossier, nous proposions qu’un Guichet Unique de la Transparence soit mis en place. Avec d’autres collectifs et associations, nous avons interpellé la nouvelle Mairie sur cette question de la transparence dans l’ensemble des politiques publiques. Les habitant·es de Noailles l’ont également exprimé très clairement lors de la réunion d’information en Mairie du 23.10.2020. L’adjoint au logement a semblé vouloir gagner du temps, alors pourtant que le droit et la jurisprudence sont clairs…

Bilan: pour le moment, nous attendons des annonces sur ce sujet et nous nous inquiétons des esquives aux questions des habitant·es.

 Troisième problème majeur de cette crise : les travaux d’office (la possibilité pour la Mairie de faire les travaux à la place des propriétaires défaillants puis leur envoyer la facture) ne sont pas encore mis en place. C’est pourtant l’un des principaux outils dans les mains de la Maire pour faire avancer les dossiers. Le conseil municipal a voté cet été un budget pour prévoir ces travaux et a lancé un appel d’offre. Cela devrait donc être mis en place rapidement. Nos craintes portent toutefois sur le budget annoncé (10M) qui d’ores et déjà a été réduit à 2,6M dans l’appel d’offre. Nous ne savons pas pour l’heure où ont passés les 7,4M d’euros restants et attendons sur ce point des clarifications. 

Bilan: nous continuons donc à être vigilant·es et interpellons au cas par cas avec des occupant·es pour mettre en place ces travaux d’office.

Mesure 2/5 : Héberger et reloger dignement toutes les personnes délogées

C’est le problème majeur de cette crise des périls qui continue depuis deux ans. Selon les chiffres officiels, 1500 personnes sont toujours en logement provisoire et près de 500 attendent encore dans des hôtels ou appart’-hôtels. Une stratégie pour mobiliser les parcs privés et publics avait été négociée et actée dans le cadre de la #CharteDuRelogement et les outils existent. Depuis bientôt un an, pourtant, l’opérateur en charge (la SOLIHA) est à bout de souffle et n’a toujours pas les moyens de proposer de nouveaux logements… La Maire de Marseille a annoncé des mesures lors du vernissage de l’exposition « Indignes Toits » le mercredi 28 octobre. Si celles-ci représentent une victoire pour les personnes délogées, après deux ans de revendications, des questions restent en suspens et nous écrirons ces prochains jours à Michèle Rubirola pour obtenir des engagements précis et clairs.

Bilan: Tout le monde sait désormais que 36 000 logements sont vacants à Marseille (chiffres INSEE). Des milliers d’entre eux pourraient être mobilisés, et reloger les personnes délogées, mal-logées, sans-abris, plutôt que de continuer à urbaniser et asphyxier la ville (comme en témoigne le projet immobilier Porte d’Aix, alors que des bureaux pourraient être installés dans les bâtiments vides de la rue de la République). La mairie a annoncé en juillet qu’elle allait auditer son propre parc immobilier. Mercredi dernier, Michèle Rubirola a également annoncé vouloir mobiliser la stratégie proposée par le Collectif depuis décembre 2018 : remettre en location les logements vacants « sous peine de réquisition ». Fruit de deux ans de revendications des mouvements citoyens, nous attendons impatiemment sa mise en œuvre concrète !

Après deux ans de mobilisations, la Mairie se dit prête à aller jusqu’à la réquisition. C’est une très bonne nouvelle qu’il faut désormais, et urgemment, mettre en œuvre techniquement… et que l’Etat devra appuyer dans le cadre de ses compétences !

En plus de cette possibilité de réquisition, il est urgent d’étendre le parc de logements provisoires ou temporaires disponible, en mobilisant la stratégie définie au point V.3. de la #CharteDuRelogement. Il faut dans le même temps s’assurer que le parc social soit renouvelé pour ne pas faire payer cette crise aux déjà longues files d’attente de demande de logement HLM. Faute de logements disponibles, certaines personnes ont été menacées récemment de devoir quitter leurs hôtels, et ce alors même que les propositions de relogement qui leur étaient dues n’avaient pas été faites. Sur ce point, les mesures annoncées ne précisent en rien si les re-locations de logements vacants alimenteront ce parc de relogement, mais nous avons bon espoir ! La confirmation de la production de 30 000 logements en 6 ans va dans le bon sens, mais rien n’a été annoncé sur la nature de cette production. Nous demandons des précisions à ce sujet afin d’assurer qu’une grande part d’entre eux soient des logements très sociaux, diffus sur le territoire et que cette production se fasse sans réduire les espaces verts.

Bilan: Si les annonces du 28 octobre sont de bonne augure, nous attendons des précisions cruciales et urgentes, certaines personnes attendant un relogement depuis bien avant le 5 novembre 2018!

Revendication historique des habitant·es de Noailles et des personnes délogées : le droit au retour dans son quartier d’origine est défini dans le point III.4. de la #CharteDuRelogement. Alors qu’il s’agit d’une innovation majeure issue des mobilisations citoyennes, personne, absolument personne ne souhaite le mettre en œuvre pour le moment, à commencer par la Métropole, principale pilote de ces politiques d’urbanisme et de logement.

Bilan: ce serait bien de s’y mettre Mme Vassal !

Enfin, vous vous souvenez de la « taxe chatons »? Lorsque l’ancienne majorité avait, en plein confinement, décidé de faire payer aux personnes délogées les frais de prise en charge de leurs animaux de compagnie, nous avions explosé de colère. Six mois plus tard : la mesure existe toujours!

Bilan: si cela ne concerne que quelques ménages, il serait temps de lever cette anti-mesure symbolique de l’ignominie de l’ancienne majorité !

Mesure 3/5 : Protéger les Marseillais·es

« Protéger » les marseillais·es du mal logement, c’est l’urgence absolue, celle qui préoccupe chacun·e à l’approche des 2 ans du drame du 5 novembre 2018. Protéger les personnes des marchands de sommeil pour éviter un autre drames, c’est urgent et possible. En avril dernier, le journal le Ravi dévoilait que 2500 signalements pour péril n’avaient pas été traités.

Lors de notre action en référé au Tribunal Administratif de juin 2020, nous avions dévoilé des témoignages édifiants de situations de cambriolages ou de squat dans des immeubles en péril. Comme par exemple celle d’un habitant qui s’était retrouvé, face à un cambrioleur qui est passé par l’immeuble en péril voisin. De nombreux autres témoignages nous ont alerté·es suite à des vols dans des immeubles en péril inoccupés. D’autres nous interpelle pour signaler le squat d’immeubles en périls mettant en danger les biens des personnes ainsi que celui des squatteur·ses.

Notre bilan : Selon la #CharteDuRelogement et les fonctions de la Mairie et l’Etat, la sécurisation des immeubles peut être prise en charge par leurs services. Malgré les différents signalements, plaintes et interpellations sur ces sujets, les réponses se font attendre

Quant aux 2500 signalements pour péril laissés sur les bureaux par l’ancien adjoint au péril nous attendons que la mairie traite rapidement ce dossier. La Mairie, qui a pour mission d’assurer le suivi de l’ensemble des dossiers et d’informer les occupant·es, n’a pas à ce jour informé les personnes concernées. Au-delà de l’urgence et du danger, nous souhaitons que la mairie communique au plutôt sur ce dossier et que les occupant·es aient accès en toute transparence aux dossiers qui les concernent, comme le prévoient la loi, la jurisprudence et la Charte du relogement.

Bilan : ici comme sur d’autres points, on attend des réponses.

C’est enfin le point récurrent qui est au nœud de nombreux autres problèmes, celui de la transparence. Afin que chacun·e se sente en sécurité et puisse faire respecter ses droits, la Mairie doit « centraliser et fournir les informations utiles aux personnes évacuées et leur permettant de suivre l’évolution de leur situation, via le guichet unique dédié » (art. II.2.3. de la Charte). Malgré les interpellations constantes des habitant·es, notamment à la réunion en Mairie du 23.10.2020, aucune réponse claire n’est apportée. Le droit, lui, est pourtant très clair…

Bilan : A ce jour nous attendons des réponses à nos questions et à nos sollicitations. Nous avons écrit avec d’autres collectifs au conseiller municipal délégué à la transparence, M. Hugon et avons relancé Mme Rubirola dans notre courrier d’hier. Nous attendons des réponses et craignons que les règles de transparence ne soient pas respectées.

Mesure 4/5: Un droit inconditionnel au relogement!

Sommes-nous égaux face au logement? Officiellement, oui. Le droit au logement et au relogement ne fait aucune distinction de statut administratif. En réalité, et la chose n’est pas nouvelle, de nombreuses catégories d’occupant·es sont exclues de la plupart des dispositifs. En matière de périls et de délogement comme dans d’autres domaines, les mêmes trinquent toujours en premiers : les plus précaires et les personnes étrangères. Ces dernières semaines, ce sont également les propriétaires occupant·es qui se voient signifier la fin de leurs prises en charge, pourtant gagnée de haute lutte sous l’ancienne municipalité.

A de nombreuses reprises, nous nous sommes mobilisé·es auprès d’occupant·es de nationalités étrangères dont les droits étaient déniés, parfois sans même aucun (pseudo-)argument légal ou réglementaire. Alors que leur «bonne foi» est régulièrement contestée sans preuve, nous réclamons avec les autres associations que l’accès aux droits soient enfin réellement inconditionnel, que les propriétaires soient mis devant leurs obligations et que les occupant·es soient soutenu·es autrement que par des bénévoles. Toute personne, quel que soit son statut d’occupation, doit pouvoir accéder à un hébergement d’urgence et au relogement sans conditions. En cette période de crise sanitaire, l’hébergement d’urgence semble être assuré par l’Etat (l’ancienne majorité ayant refusé certaines prises en charge) mais régulièrement, les personnes concernées se voient signifier que celui-ci pourrait prendre fin! La Maire de Marseille s’est engagée oralement pour l’«inconditionnalité» le 28 octobre dernier.

Notre bilan: Nous attendons désormais à ce que l’égalité de traitement soit également assumée par la nouvelle Mairie (et ce, alors que des financements de l’Etat peuvent être mobilisés) et étendue à l’ensemble des occupant·es de bonne foi. L’article V.3.2. de la Charte prévoit par ailleurs une possibilité de portage du bail par un opérateur intermédiaire afin de permettre à tou·tes l’accès à un logement, une mesure dont nous attendons la mise en œuvre.

Concrètement, nous avons interpellé la nouvelle municipalité sur quelques dossiers emblématiques. Au 36 rue Curiol, une prise en charge extra-réglementaire avait été mise en place par l’ancienne majorité pour protéger Marseille Habitat qui avait expulsé les occupant·es albanais·es hors de tout cadre légal mais celle-ci est depuis cet été remise en cause. Sur ce dossier, l’adjoint au logement nous avait répondu en août dernier que le dossier serait pris en charge, sans nouvelles depuis… . Nous avons également accompagné cet été les occupant·es du 59 avenue St Just dont la situation est différente mais tout autant préoccupante. Les occupant·es sont actuellement à l’hôtel, sans entrevoir de solution pérenne. Nous avons interpellé les adjoint·es et avons été reçu·es pendant l’été avec les personnes concernées et d’autres collectifs à ce sujet. A ce jour, nous n’avons obtenu aucune solution.

Notre bilan: Sur ces deux dossiers, nous attendons de la part de la Mairie une intervention concertée avec les premier·es concerné·es pour que respectivement propriétaire, Mairie et Etat respectent l’obligation de relogement, notamment en actant la prise en charge des occupant·es au titre du péril par le guichet unique de la rue Beauvau.

Plusieurs propriétaires occupant·es se sont également vu signifier la fin de leur prise en charge à la suite de modifications dans l’évaluation de leur situation sociale, permettant leur prises en charge tel que prévu à l’article IV.1. de la Charte du relogement. Ces occupant·es se retrouvent désormais sans solution, alors même que cette mesure était l’une des victoires cruciales obtenues par les associations, collectifs et personnes délogées. Nous sommes indigné·es qu’une telle décision, en infraction flagrante au texte et à la pratique actée sous l’ancienne municipalité, ait été prise, de surcroit sans aucune consultation préalable.

Notre bilan: Nous attendons que la Mairie revienne au plus vite sur cette décision et avons alerté la Maire à ce sujet le 27 octobre dernier, sans réponse pour le moment.