Communiqué du Collectif du 5 novembre – Noailles en colère
Marseille, le 18 mars 2020
Comme cela se pressentait, nous sommes dans une situation extrêmement grave pour les personnes en situation de précarité. Sans mettre en concurrence des situations de crise sur l’ensemble du territoire, ici, absolument tout est à faire ! En tentant de nous renseigner sur la gestion de la crise du logement en temps de crise sanitaire, nous avons récolté un certain nombre d’informations que nous portons à la connaissance de toutes et tous.
Les plus précaires seront les premiers touchés
De très nombreuses structures ont fermé en cascade (tel les restos du cœur, le CHU géré par Vendredi 13…), ou sont en sous effectifs, fautes de moyens de protections et barrières sanitaires corrects (rupture des stocks de gel hydroalcoolique, pas de masques…) et des contraintes liées au confinement (gardes d’enfants…). A Marseille, ce sont 3000 Sans Domicile Fixe non confinés qui n’ont plus de quoi se nourrir, du fait de l’impossibilité de récolter de l’argent dans les rues, de fermeture des lieux de restauration sociaux et de non accès aux structures habituelles d’accompagnement. Nous nous inquiétons également pour les personnes travaillant « au noir » qui n’auront aucune sécurité financière et pour les personnes précaires (interim, vacataires …) ou aux revenus à peine plus haut que le SMIC pour lesquels une amputation de 16% de leurs salaires représente une somme considérable (les personnes au SMIC perçoivent un chômage technique à 100%).
Selon nos informations la Fondation Abbé Pierre (FAP) a fermé ses douches publiques (la FAP gère environ la moitié du parc de douches publiques à Marseille) fautes de pouvoir assurer à ses équipes des moyens de protection minimums. Les accueils de jour de la FAP sont également fermés, car il est impossible de respecter les conduites de barrières sanitaires. La FAP prévoit de mettre en place des équipes mobiles en maraudes pour informer des comportements à tenir et distribuer des repas ; ce n’est pas encore opérationnel et très insuffisants pour faire face. Plus largement concernant l’organisation d’équipes mobiles pour les opérateurs sociaux, celles-ci ne peuvent bénéficier de mesures de protection (et ce ne sera pas le cas dans les prochains jours selon les services de l’Etat), hormis les équipes médicales, et de manière encore très partielles. Les maraudes du SAMU social (repères de personnes potentiellement en danger, distribution de couverture et nourriture…) ont été suspendues. Cette situation catastrophique met en danger le personnel et les bénévoles !
Crise du logement et crise sanitaire
Du côté de l’EAPE (Espace d’Accueil des Personnes Evacuées mis en place à a suite des effondrements de la rue d’Aubagne), l’accueil physique au guichet a été fermé pour les mêmes raisons (pénurie masques, absence de barrières sanitaires…). Par ailleurs, la structure connait des difficultés techniques depuis plusieurs jours suite à une cyber attaque sur la Mairie (même système informatique que l’EPAE) et des problèmes électriques. Cette situation vient aggraver les dysfonctionnements réguliers faute de consignes politiques claires et de moyens pour gérer la crise de logement en cours depuis bientôt un an et demi. Le fonctionnement est donc extrêmement dégradé. Des permanences téléphoniques minimum sont assurées au 06 32 87 15 85, et une partie du personnel continue à travailler sur place. Concernant la distribution de chèque service : ils peuvent être distribués après prises de RDV par tél, et ont été étendus à une durée de 28 jours. Mais devant les déplacements très contraints liés au confinement, la fermeture des lieux de restauration, certaines personnes ne peuvent bénéficier de repas réguliers. Il est urgent d’organiser la distribution de repas chauds dans les hôtels (200 ménages environ) et les lieux d’hébergements informels (tel le squat st Just, plus de 200 personnes).
Concernant les expulsions domiciliaires, et suite au communiqué du ministère du logement annonçant le report de la suspension de la trêve hivernale, un courrier a été envoyé à la chambre régionale des huissiers et à la DDSP pour suspendre toutes les expulsions locatives jusqu’à nouvel ordre. On sait cependant que des expulsions ont encore eu lieu en France, comme hier à Calais par exemple.
Nous alertons également sur le fait que le confinement n’est pas vécu par toutes et tous dans les mêmes conditions : 100 000 personnes sont aujourd’hui confinées dans des taudis à Marseille, sur un parc de 40 000 logements indignes. Être confiné dans un logement indigne n’est, pas plus qu’hier, une solution !
Nous demandons immédiatement, concernant la situation marseillaise:
- la mise en place de distributions de repas chauds, d’eau et d’accès à l’hygiène pour toutes les personnes en situation de précarité, et en particulier les 3000 SDF de Marseille;
- la mise en place de distributions de repas chauds dans les hôtels pour les personnes délogées et n’ayant aucune forme de logement provisoire (environ 400 à 500 personnes selon les dernières informations dont nous disposons)
- un communiqué public clair assurant le maintien en hôtel de toutes les personnes délogées jusqu’à minima à la fin de la période de confinement, y compris après main levées d’arrêtés de péril (des dizaines de courriers ont été envoyés par la SOLIHA intimant les personnes délogées à regagner des logements inhabitables)
- la prise en charge a minima jusqu’à la fin du confinement et a priori de toutes les personnes évacuées et dont le statut fait habituellement débat entre les pouvoirs publics et nous (personnes étrangères ou personnes délogées sans arrêté de péril comme les victimes de l’incendie récent rue Messerer)
- la réquisition de logements pour mettre à l’abri toutes les personnes le nécessitant pour cause de crise sanitaire et la réquisition des hôtels qui ne devrait plus poser problème au vue de l’absence de tourisme actuellement.
- Des mesures de surveillance renforcées autour des immeubles en péril qui pourraient particulièrement être victimes de cambriolages.
Nous demandons par ailleurs à l’Etat d’agir entre autres sur les points suivant :
- La distribution urgente de protections sanitaires pour toutes les structures bénévoles ou professionnelles qui en ont besoin pour assurer la continuité de leurs activités sociales et solidaires
- La mise en place d’un revenu minimum de confinement permettant d’amortir les pertes de revenus de toutes les personnes précaires, à bas revenus ou chômeurs en fin de droit, le maintien des prestations sociales et du RSA le cas échéant, notamment en cas de problème et de radiation administrative
- l’organisation de tournées dans des conditions sanitaires maximums auprès des personnes vulnérables et précaires afin de s’assurer qu’elles disposent de soutiens dans leurs familles et voisinages et d’organiser si nécessaire la solidarité. Une vague de décès de personnes isolées similaire à celles que nous pouvons vivre en périodes caniculaires nous inquiète fortement.
La crise sanitaire actuelle ne vient que renforcer une situation existante, une crise du logement sans précédent à Marseille, une crise sociale majeure dans tout le pays. La période que nous vivons actuellement aggrave ainsi des problèmes qui auraient du être traités bien en amont. Nous discuterons avec toutes les structures, collectifs d’habitants et de solidarité, pour réclamer ensemble des mesures de protections solidaires des plus précaires. En ces temps difficiles, prenons soin de nous et organisons-nous pour être plus solidaires que jamais !